DOCUMENTS RÉPERTORIÉS CLASSÉS ET DONNÉS PAR JOËLLE BERG

COLLECTION RÉPERTORIÉE, CLASSÉE ET DONNÉE PAR JEAN MARC POLI

DOCUMENTS DONNÉS PAR DANIEL GUILLOT

Trois quarts de siècle d’un saint-aubannais (1941-2016)
Daniel GUILLOT
Trois quarts de siècle d’un Saint-Aubannais

« Péchiney » dés la naissance

Dans la maternité « Péchiney » rue Adrien Badin, Madame DUVIERRE, la sage femme, tient à bout de bras un nouveau saint-aubannais qu’elle vient de mettre au monde comme des centaines d’autres enfants qu’elle a vu naître dans cette maternité.

L’usine n’avait pas vingt cinq ans lorsque je vis le jour. Les années de guerre furent difficiles pour mes parents qui, arrivant de Toulon, étaient des « étrangers » pour la population bas alpine paysanne. Après le travail, mon père allait sur un vélo aux pneus remplacés par des tuyaux d’air comprimé, chercher de quoi faire manger sa petite famille. Malgré l’argent proposé, peu nombreux étaient les paysans qui acceptaient de lui vendre des légumes.

C’est aussi durant ces années de restriction que la « goutte de lait » a fonctionné à plein régime. Une véritable institution où quelques personnes préparaient et stérilisaient les biberons pour les nouveaux nés. Ceux-ci avaient donc  droit tous les jours à une douzaine de biberons stérilisés, livrés par paniers de six que les parents ou les frères et sœurs venaient chercher deux fois par jour. Cette « goutte de lait » cessa de fonctionner vers la fin des années cinquante.

« Péchiney » et le système éducatif

Quelques années plus tard c’est au jardin d’enfants et à « l’école libre » que  commença mon éducation. En réalité, l’école libre par opposition à l’école laïque était l’école Péchiney puisque les instituteurs étaient payés par l’usine. C’est pour cela aussi que la distribution des prix se faisait en présence du maire, du directeur de l’usine et du curé. Toutes les semaines  les enfants avaient droit à un cours religieux et même les quelques enfants maghrébins y participaient…. C’est aussi à cette époque que le premier de la classe avait droit en fin de trimestre de porter la « croix d’honneur » . J’y eu droit une fois et ce n’est pas sans fierté que je fut chercher mon père lors de la sortie de l’usine.

Les filles quand à elles pouvaient aller à «l’école libre de filles » dont les enseignantes étaient les religieuses de la même congrégation que celles de l’hôpital. Le temps des récréations générait une belle clameur de rires et de cris de toutes ces demoiselles… On ne peut oublier toutefois que les élèves de l’école libre ne fréquentaient pas trop ceux de l’école laïque… (séparation de l’église et de l’état). Les octogénaires d’aujourd’hui doivent se rappeler que l’école publique se trouvait en lieu et place de l’agence postale actuelle. Ceux qui préparaient le centre d’apprentissage se souviennent de la « maison Sorgue » et de l’établissement qu’ils fréquentaient alors et où le restaurant d’entreprise accueille aujourd’hui le personnel de l’usine et les habitants de la commune.

Les rues de l’époque étaient éclairées sommairement et l’hiver, le chemin entre l’école et la maison était bien sombre. Comme en cette période de nombreux annamites creusaient des tranchées dans la citée, nous avions peur de ces hommes aux yeux bridés et le soir, craignant sans doute une mauvaise rencontre, je marchais au milieu de la rue en sifflant le plus fort possible l’air de « Chiquito », film qui m’avait impressionné.

Je me souviens aussi des rues de Saint-Auban  bordées de caniveaux dans lesquels on faisait couler l’eau pour irriguer tous les platanes, acacias ou tilleuls qui commençaient à grandir. L’automne venu, à la sortie de l’école, nous marchions et nous roulions dans ces caniveaux emplis de feuilles de platanes ce qui nous imprégnait d’une odeur caractéristique que nos mères détectaient dès notre arrivée à la maison.

Les établissements scolaires n’étant pas aussi nombreux qu’aujourd’hui je du quitter ma cité pour Aix en Provence afin de pouvoir suivre mes études. Cette période fut difficile pour le jeune garçon de onze ans que j’étais lorsqu’il fallut quitter la famille pour aller en pension pendant sept ans…

Tous mes copains ne choisirent pas la même voie et le centre d’apprentissage de l’usine en fit d’excellents ouvriers ou techniciens.

La compagnie Péchiney voulait former ses dessinateurs et après la terminale je partis en Auvergne pour deux années. J’entrais alors au bureau d’études de l’usine ou plus de soixante dessinateurs témoignaient de l’activité de notre usine.

Une usine pluriethnique

Après la guerre Saint-Auban était une cité ouvrière en pleine effervescence et un nombre considérable d’ethnies différentes en faisait une vraie tour de Babel.

Les pays du Sud étaient les principaux pourvoyeurs de main d’œuvre et dans l’usine les différents services furent souvent composés de travailleurs de même origine. L’atelier d’alumine recevait les portugais, l’électrolyse les grecs, la chaufferie des espagnols et des maghrébins, les italiens à la maçonnerie, les arméniens, russes, polonais, vietnamiens, répartis un peu partout. L’explication était simple ;  la compagnie demandait à un ressortissant étranger dont elle était satisfaite de faire venir un parent ou ami pour renforcer les effectifs. Le nouveau venu se trouvait sous la « responsabilité » de celui qui l’avait fait venir (bon moyen pour faire pression sur ces travailleurs). La présence de tous ces travailleurs immigrés explique l’appellation de certaines rues de la cité comme rue A, rue B, rue H plus faciles a mémoriser pour ceux qui ne maitrisaient pas encore la langue. Depuis, ces rues ont été rebaptisées.

C’est aussi après la guerre que le responsable des relations humaines de Péchiney, ancien amiral, recruta dans la marine les anciens marins que la guerre avait chassé de leurs bateaux. Une forte proportion d’agents de maitrise et contremaitres issus de la « Royale » formèrent « l’amicale des anciens marins » qui a son tour fit venir d’autres marins et permit aux jeunes qui voulaient servir dans la marine de s’engager ou d’accomplir leur service militaire sur les navires de la flotte française.

La cité vivait aussi au rythme de la sirène de la chaufferie, sirène qui marquait les postes ainsi que les horaires à la journée. Les entrées et sorties de l’usine étaient assorties dans les rues de Saint-Auban  de rires et de conversations à haute voix dont on a perdu le sens depuis bien longtemps. Jusqu’aux années cinquante, peu de travailleurs possédaient une voiture et l’avenue principale de la cité s’animait véritablement le matin, à la mi-journée et en fin d’après-midi. Les cars « Pierre » amenaient le personnel des villes et villages environnants ; De Manosque, de Digne, de Sisteron…Les fameux cars verts déversaient devant l’usine leur chargement de main d’œuvre voisine dans une ambiance souvent joyeuse (surtout après un passage à la cantine « Pierre »).

Tour de Babel je l’ai dit, Saint-Auban n’a jamais été cependant le centre d’un racisme exacerbé et peu à peu tous les nouveaux arrivants se sont mélangés par affinités ou par mariage pour faire aujourd’hui une population typiquement saint-aubannaise.  Il est loin le temps ou les polonais, les portugais, les espagnols étaient logés dans un même quartier. Il est plus loin encore le temps ou les mariages entre français de souche et nouveaux étrangers étaient considérés comme mésalliance. Comme dans les mines, le partage d’un même travail rapproche les hommes et la camaraderie finit par vaincre la bêtise humaine.

La camaraderie au travail se ressentait d’autant que l’on se trouvait dans un même service et plus si on était posté.

La vie dans Saint-Auban

Dès la création de l’usine la compagnie « Alès Froges et Camargue » fit construire une cité pour recevoir tous les travailleurs. Maisons alignées le long des rues ou avenues droites et perpendiculaires comme aux Etats-Unis, mais différemment équipées en fonction de leur attribution aux ouvriers, à la maitrise ou à l’encadrement.

Un service nommé « service cité » s’occupait de l’entretien et des réparations des différentes maisons. Les peintures et les tapisseries étaient renouvelées gratuitement mais suivant une périodicité correspondant à l’échelon hiérarchique du locataire…

L’entreprise BIBAL que tous les anciens ont connu, s’occupait de toute la plomberie et de l’adduction d’eau de la cité. Pendant de nombreuses années cette entreprise occupait un bâtiment ancien sur l’avenue Alsace Lorraine et c’est dans ce bâtiment que la droguerie BIBAL a dépanné tous ceux qui n’avaient plus de gaz ou qui cherchaient, vis, rondelles ou tuyaux…sans oublier les enfants qui fréquentaient assidûment la droguerie pour y acheter, ou chaparder, bonbons et friandises.

Toutes les maisons avaient un jardin et chacun y faisait pousser fruits et légumes, provoquant souvent l’envie des voisins. Il faut dire que l’eau était gratuite et que lors de la pose des compteurs les gazons ont bien changé de couleur. Pendant de nombreuses années l’eau au robinet n’étant pas des meilleures  nous allions chercher l’eau potable aux différentes fontaines disparues aujourd’hui et autour desquelles nous faisions de belles batailles aquatiques durant la période estivale. Il fallait tourner le volant supérieur pour faire couler l’eau et la corvée d’eau se transformait vite en jeu. Ces fontaines étaient branchées sur un réseau d’eau de source particulier  qui alimentait en même temps l’hôpital et…quelques maisons de la direction.

Quand la journée de travail s’achevait, les bars , les bistrots et restaurants s’animaient et que ce soit à la cantine de l’usine, au centre récréatif (actuelle maison des associations) chez « Stratos » (démoli pour laisser place à l’actuel cabinet dentaire), à l’hôtel Villiard (actuelle pharmacie), chez « KIKI » (devenu cercle des agents), au bar du Fournas, chez « Ferrand » (actuelle pharmacie), les soirées se prolongeaient souvent très tard.

La Cité n’était pas aussi étendue qu’aujourd’hui et au dessus de la route nationale on ne trouvait que le Centre récréatif, une partie du quartier « Fanchironnette », les chalets et quelques baraquements abritant, coiffeur, cordonnier, entreprise de peinture ou local des scouts, jeannettes et louveteaux.

Le centre de la cité était déjà la place Péchiney actuelle, vaste tumulus de terre dans lequel furent creusés des abris durant la guerre, cernée par l’école privée de garçons et plusieurs commerces dont la fameuse SADA où tout le monde s’approvisionnait autour d’un immense comptoir circulaire et une caisse où trônait la gérante telle « la caissière du Grand Café ». C’est aussi sur le bord des fenêtres de la SADA que les jeunes hommes de la cité s’assoyaient après le travail lors des beaux jours afin de regarder passer les jeunes filles qui comme par hasard choisissaient cette heure pour venir faire leurs courses… Combien d’idylles se sont nouées à ces occasions ?

C’est aussi à cette époque que les jeunes saint-aubannais empruntaient la voiture à damiers du brave Marcel GIRAUD pour aller danser dans les villages voisins ou même pour aller durant l’été jusqu’au bord de la mer. Quelles expéditions  dont se souviennent les octogénaires d’aujourd’hui…

A coté de la place Péchiney avaient été bâties les « halles » qui durant de nombreuses années furent un peu la « zone commerciale » de Saint-Auban avec un tas de boutiques aujourd’hui disparues et parmi lesquelles on pouvait trouver, poissonnerie, épicerie, fleuriste, marchand de légumes et même une boucherie. Quelle animation tous les matins lorsque les mères de famille venaient faire leurs achats !!

Face aux halles, des douches recevaient la population qui n’avait pas de salle de bain et tous les enfants scolarisés que nous étions pour une douche par semaine. Madame RITTER, responsable des douches, nous faisait obéir au doigt et à l’œil et il ne serait venu à aucun d’entre nous de tenir tête à cette solide alsacienne.

J’allais de temps en temps au cinéma avec mes parents alors que peu de villages possédaient une telle salle des fêtes. Jouxtant l’entrée des douches, le porche d’accès à la salle de cinéma a vu passer des milliers de saint-aubannais et je revois toujours M.et Mme SORGUES, l’une délivrant les billets et l’autre contrôlant l’accès à la salle de spectacle. Les jeunes amoureux se pressaient au balcon pour être un peu isolés du reste des spectateurs. Les sièges en bois n’avaient rien à voir avec les fauteuils de nos jours mais  nous les trouvions fort biens. Je comprends aussi pourquoi nombreux étaient ceux qui apportaient un coussin afin de rendre les sièges un peu plus confortables.

En quelques années les commerces fleurirent autour de cette place et on imagine mal aujourd’hui qu’elle fut tant animée.

A proximité du bar Stratos, les célibataires, fort nombreux en ce temps, trouvaient refuge dans quatre bâtiments joliment baptisés « Durenço » « Mistrau » « Bleuno » « Souleou ». Nous connaissions tous M.et Mme BERNASCONI qui assuraient le gardiennage de ces bâtiments. Et oui les saint-aubannais se connaissaient tous car jusqu’aux années cinquante, la cité se limitait principalement à la route nationale à l’ouest, la rue du Barrasson au nord, l’avenue Alsace Lorraine au sud et le chemin de crête à l’est. Il y avait aussi le quartier de la piscine, construit juste avant guerre, qu’on pourrait appeler aujourd’hui « quartier sud » en opposition au « quartier nord » au nord de la place Péchiney. Les jeunes que nous étions ne se rencontraient pas trop entre quartier nord et sud en dehors de l’école et nos jeux se déroulaient principalement dans les bois entourant le camp d’aviation pour les uns et dans le vallon du Barrasson pour les autres. Nous autres « du sud » jouions aussi dans le terrain vague où s’installaient les cirques et où se trouve le groupe scolaire Paul LAPIE actuel. Je me souviens  que l’entreprise DALBERTO stockait son matériel dans le bois proche de la piscine et notre passe temps favori était d’aller faire nos besoins sur le tas de sable pour faire pester le gardien de l’entrepôt…

L’avenue Alsace Lorraine nous servait dans ces années là de piste d’essai pour les fameuses « carrioles » que les plus grands confectionnaient avec des planches et des roulements récupérés à l’usine. Nous montions alors à plusieurs sur les grandes carrioles et la course se terminait bien souvent dans la descente de la gare où les freins et le palier de direction actionné aux pieds ne pouvaient plus rien pour modifier la trajectoire du bolide lourdement chargé. C’est dire que la circulation du moment nous laissait le champ libre et que le mercurochrome était largement utilisé par nos mères. Nos terrains de jeux n’étaient pas les mêmes mais nous nous retrouvions lors des colonies de vacances et les voyages en train nous donnaient l’occasion de chanter tous ensemble « Saint-Auban est bâti sur roche, Saint-Auban ne périra pas… » De l’école libre ou laïque nous étions de vrais saint-aubannais !

Comme dans toutes les cités ouvrières des bâtiments pour célibataires furent construits, les CEG1 et CEG2 le long de la route nationale, qui servirent au personnel d’entreprise et aux travailleurs nord africains lors de la fermeture d’infâmes campements dans lesquels on les cantonna durant de nombreuses années près de l’usine et même à l’intérieur de celle-ci pour les annamites et les marocains. Dans ces campements la vie devait y être difficile et pour tous ces expatriés les conditions d’accueil furent plus que rudimentaires.

« Péchiney » à l’église.

Catholique pratiquant, comme une majorité du personnel (le directeur était pratiquant ce qui peut expliquer cela), j’allais à la messe dans l’église récemment construite par la société A.F.C. en remplacement de l’ancienne chapelle en bois qui datait de la création de l’usine. L’église fut baptisée « église de Jésus ouvrier » et l’autel de granit est toujours gravé d’une pensée symbolique : orate et laborate  « prière et travail ». Cette église ne ressemblait en rien à toutes celles de la région et sa magnifique charpente apparente, ses orgues et son aménagement intérieur en font toujours une belle église. La venue de la télévision pour l’enregistrement d’une messe fut la cause de la disparition des lustres originaux et de la fresque du chœur de l’église que les responsables se permirent de faire enlever puisque l’établissement religieux leur appartenait. Comme beaucoup d’enfants en ce temps là, je servais, la messe, les enterrements, et surtout les baptêmes et les mariages, que nous préférions car les enfants de chœur récupéraient les pièces de monnaie et les dragées jetées à la sortie de l’église. On imagine mal aujourd’hui les processions dans les rues de la cité. Le mois de juin était le mois des « reposoirs », les préaux de l’école des filles s’ornaient de roses et de fleurs de genets, créant des décors champêtres magnifiques.

C’est aussi à cette époque que les jeunes pouvaient aller chez les scouts, les louveteaux ou les jeannettes et une sortie à la source Perrin devenait une véritable expédition puisqu’après le stade il n’y avait que des champs de blé ou d’immenses chênes qui ont disparu lors de la construction du quartier de la Casse.

« Péchiney » à l’hôpital.

Durant ma plus tendre enfance je du subir, comme un grand nombre de copains, l’ablation des amygdales et des végétations à l’hôpital de Saint-Auban. Un oto-rhino de Digne venait régulièrement procéder sans anesthésie à l’opération rituelle que les enfants subissaient , saucissonnés dans un drap et maintenus sur les genoux de l’infirmier de l’usine dont les bras de boxeur ne laissaient aucune chance de fuite au jeune opéré. On nous faisait sortir par une autre porte afin de ne pas affoler ceux qui attendaient leur tour dans la salle d’attente.

Hormis ces interventions d’un autre âge, l’hôpital et son bloc opératoire n’avait rien à envier aux hôpitaux des villes avoisinantes. Les chirurgiens JOUVE et MEYER y opéraient régulièrement et je me souviens que mon père fut opéré d’un ulcère à l’estomac comme de nombreux saint-aubannais. Les opérés comme les malades étaient soignés par des religieuses dévouées et compétentes. Les travailleurs accidentés furent durant de nombreuses années soignés à l’hôpital avant d’être dirigés si nécessaire vers les hôpitaux des villes voisines. Les religieuses furent rappelées par leur congrégation et l’hôpital perdit son activité car il aurait fallu embaucher du personnel médical pour les remplacer et la société Péchiney-Saint-Gobain ne voulut pas s’engager dans cette voie.

Le dispensaire de l’hôpital assurait les mêmes soins que les services d’urgence actuels et la présence quasi permanente d’infirmières, de médecins ou de religieuses ne laissait personne dans l’embarras.

« Péchiney » et le sport.

Comme tous les enfants de la Cité je bénéficiais des installations sportives, stade, gymnase, piscine qui firent de Saint-Auban un chaudron d’équipes sportives craintes et reconnues dans toute la région et même au plan national. Un stade bien équipé et une piscine avant-gardiste ont permis aux jeunes saint-aubannais de profiter du professionnalisme de M.BOURRIEL pour découvrir et développer des aptitudes sportives dans toutes les disciplines. Il ne faut pas oublier qu’a l’époque tout était gratuit, depuis les cours jusqu’aux équipements et les équipes de foot et de basket ont fait vibrer bien des supporters saint-aubannais.

C’est dans ce contexte qu’étaient organisées les fameuses coupes inter-usines qui firent voyager bien des jeunes travailleurs de l’époque afin d’aller défendre nos couleurs sur les terrains, dans les piscines ou sur les pistes de ski. Presque toute la population saint-aubannaise et particulièrement les jeunes fréquentait assidûment la piscine nouvellement construite et du haut des plongeoirs les « tarzans » du moment impressionnaient la gente féminine par des figures aussi audacieuses que spectaculaires.

Les jeunes gens plus âgés profitèrent du terrain de vol à voile pour « s’envoyer en l’air » avec plus ou moins de bonheur mais permirent à la plateforme vélivole d’acquérir une renommée nationale ou internationale en établissant de nombreux records mondiaux de durée ou d’altitude.

Quelques évènements marquants

La guerre ne fut pas pour la cité une période tragique, cependant deux ou trois fois la sirène du « parc à bois » nous obligea à descendre dans les caves ou à nous cacher dans les collines boisées d’où nous avons assisté au mitraillage de l’usine sans trop de dégâts. L’enfant que j’étais se souvient précisément de ces avions qui piquaient vers l’usine et nous survolaient à basse altitude nous donnant l’impression que nous étions visés… En revanche la fin de la guerre fut l’occasion de grandes fêtes et je me rappelle du bal des résistants dans le gymnase du stade où les effigies de Mussolini et d’Hitler furent pendues au plafond ce qui m’impressionna véritablement.

Un évènement majeur a troublé l’usine et la cité durant les années quarante. J’étais enfant et je me souviens parfaitement de cette nouvelle qui fit le tour de Saint-Auban, semant la consternation : Monsieur GRABINSKI est mort !! Cet homme aimé et respecté comme directeur de l’usine venait de laisser la vie dans sa petite voiture écrasée par un camion dans le virage du monument aux morts de Château-Arnoux. Ce virage extrêmement serré , jusqu’au déplacement du monument aux morts place de la résistance, était un point noir pour la circulation. La disparition brutale de M.GRABINSKI a marqué tous ceux qui travaillaient à l’usine et son humanisme reste dans les mémoires. Durant la guerre M.GRABINSKI a évité le S.T.O. à plus d’un et a permis à de nombreux juifs d’échapper à la folie nazie. Aujourd’hui nombreux doivent être celles et ceux qui ignorent pourquoi une rue et un stade portent le nom de cet homme généreux.

Dés la fin des années quarante les saint-aubannais et l’abbé PLUME organisèrent une grande kermesse dans la cour de l’école libre et à cette époque une véritable fête rassembla toute la population. La clairette de Die y coulait à flots et la recette de cette kermesse renouvelée plusieurs années durant permis la création de « Joie et Soleil » et de la colonie de Chauffayer qui existe toujours.

Au début des années cinquante un autre évènement troubla la quiétude de la cité. Sur tous les arbres des affichettes promettaient une forte récompense à ceux qui aideraient a trouver le coupable de l’assassinat de la famille DRUMOND qui allait vite devenir l’affaire DOMINICI. Tout le monde parlait de cette affaire et le commissaire SEBEILLE suivi de la cohorte de journalistes séjournait souvent à l’hôtel VILLIARD. Ce fut une période ou les commentaires allaient bon train et chacun donnant sa version des faits, les discussions devenaient rapidement très animées. Il faut dire que des parents de la famille Dominici étaient bien connus à Saint-Auban et qu’un ouvrier de l’usine se rendant au poste du matin avait été parmi les premiers témoins.

En 1956 tout le personnel de l’usine fut invité a fêter les cinquante ans de la Cie Péchiney. Une véritable fête cette année là rassembla tout les travailleurs de l’usine et le doublement des salaires lors de cet anniversaire témoignait de la bonne santé de la société. Ce n’est plus tout à fait le cas de nos jours.

Un autre événement marquant pour l’usine  pour les habitants et pour moi fut la période de mai 68. Qu’on soit pour ou qu’on soit contre, l’occupation de l’usine durant trois semaines fut pour tous les travailleurs une expérience importante. Avoir la responsabilité d’une usine même lorsqu’elle est presque toute  à l’arrêt relève d’une prise de conscience que les années ne peuvent faire oublier.  Organiser les tours de garde, l’entretien des ateliers que nous voulions rendre propres, l’arrêt des fabrications, qu’on nous avait dit non redémarrables……les interventions sur la cité, les distributions de carburants, et même les salaires. Rester éloigné de sa famille, organiser tous les jours les prises de paroles, maintenir le moral des grévistes. Tout cela fait mûrir un homme en quelques jours. Ceux qui suivirent ne furent pas les meilleurs car les rancuniers laissèrent trop souvent paraître leurs ressentiments. Le temps a passé et les résultats aujourd’hui ne sont certainement pas à la hauteur de nos espérances.

La fin de la grande cheminée………

Durant de nombreuses années elle attira le regard des passants et servit même d’emblème à notre cité. Du haut de ses cent vingt mètres elle surveillait l’usine et le « plateau ». La fameuse cheminée du carbure dut céder sa place dans le début des années quatre vingt dix et ce n’est pas sans effort que les spécialistes du dynamitage eurent raison de la dame de béton. En effet, elle refusa une première fois de toucher terre et il fallut doubler la dose d’explosifs pour que le symbole de l’usine du moment s’effondre dans un nuage de poussière sous les yeux d’une grande partie de la population qui du haut du plateau la virent disparaître pour toujours.

Cette disparition avait été précédée vingt ans auparavant par une terrible explosion qui un dimanche matin précipita tous les habitants sur leur balcon ou au bord du plateau pour voir une immense flamme causée par l’inondation du four à carbure, générant des milliers de mètres cube d’acétylène qui ne demandaient qu’à exploser. Heureusement une fois de plus le saint patronyme de la cité devait veiller sur elle et aucune victime ne fut à déplorer pour une explosion qui aurait pu être fatale.

Saint-Auban aujourd’hui

Après de nombreux changements de patronat : Péchiney Saint-Gobain, Rhône  Poulenc, Rhône-Progil, Chloé chimie, Atochem, Arkéma, Kemone, l’usine a perdu peu à peu de son importance dans le domaine de la chimie et le choix délibéré de certains de faire disparaître la recherche a conduit progressivement à la réduction de productions. Dans les années quatre vingt la venue d’un patronat de « pétroliers » a provoqué l’abandon de certains secteurs et petit à petit les « Elf » ou les « Total » ont laissé Saint-Auban disparaître presque entièrement. On commémore cette année les cent ans de l’usine, je préfère me souvenir de tous les moments passés avec mes camarades de travail, moments de joies et de peines, mais moments où l’on avait le sentiment de faire partie de l’usine.

Après quarante années passées dans différents services le petit saint-aubannais que je suis fit valoir ses droits à la retraite et depuis dix sept ans il regarde atterré l’usine réduire ses activités et diminuer ses effectifs…….. Mais où est donc passée cette époque où les ouvriers allaient ensemble à l’usine et chahutaient dans la tranchée, où est passée la grande société Péchiney qui dans le contexte de paternalisme de l’époque faisait incomparablement plus pour les travailleurs que les sociétés anonymes d’aujourd’hui. Et ce malgré le fait que durant des années les habitants de Saint Aubain furent logés suivant leur rang dans la hiérarchie ouvrière et que dans les commerces, les épouses de directeur ou d’ingénieurs avaient droit d’être servies avant les femmes d’ouvriers…

La cité a été cédée à la commune, la plupart des maisons ont été achetées par les employés, les gardes privés ont disparus. Un village peu à peu se construit puisque maintenant on n’est plus obligé de quitter sa maison dès la retraite. On rencontre des anciens qui parlent de Saint-Auban d’hier, on voit des joueurs de boules durant la journée chose impossible auparavant car tous les habitants étaient actifs et travaillaient tous les jours. La baisse d’activité ouvrière et le contexte actuel ont dépeuplé le véritable centre de l’ancienne cité mais nous nous devons de refaire vivre cette cité qui nous a vu naître. Il y a dans notre village des gens venus d’ailleurs à qui nous devons raconter notre histoire pour qu’ils se sentent véritablement « SAINT-AUBANNAIS ».

En cours….

I am text block. Click edit button to change this text. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.